Parmi les artistes longtemps oubliés ou méconnus du grand public et redécouverts de nos jours, une figure se distingue par la qualité de sa musique et la variété de ses tubes et riffs accrocheurs. Kourosh Yaghmaei, chanteur, guitariste et compositeur, est un pionnier de la pop-rock des années 70 en Iran. Surnommé parfois le « roi du rock psychédélique persan », ses musiques incarnent l’époque précédant la Révolution islamique de 1979 avec une certaine nostalgie.

SUCCÈS, CENSURE & REDÉCOUVERTE

Kourosh Yaghmaei naît en 1946 à Shahroud, au nord de l’Iran. Il effectue ses premiers pas dans la musique dès l’âge de dix ans avec l’apprentissage du santour, instrument traditionnel iranien à la croisée de la cithare et du piano. C’est cependant avec la guitare électrique, symbole du rock occidental, qu’il s’épanouit réellement en s’inspirant de la musique qu’il entend à la radio américaine, alors implantée en Iran. Bercé par les Beatles, les Kinks, ou encore les Ventures, Kourosh lance son propre groupe alors qu’il est encore à l’université.

Poursuivant ensuite cette passion seul avec ses deux frères, il réalise rapidement les premières chansons qui vont lui conférer une reconnaissance incontestable au sein de la vague émergente du rock iranien ; il se crée ainsi une place parmi les grandes stars de l’époque, à l’image de Googoosh ou Viguen. En 1974, son premier album, intitulé Gole Yakh (« La fleur de glace ») devient, avec la chanson éponyme, le plus grand succès de sa carrière.

La Révolution de 1979 marque alors un coup d’arrêt au succès de Kourosh Yaghmaei : sa musique est censurée et ses concerts interdits, pendant plus de vingt ans. Au nom de sa passion musicale, Kourosh prend la décision forte et engagée de rester en Iran, au contraire de beaucoup d’autres musiciens, ou même de membres de sa famille, préférant ainsi « résister plutôt que fuir ».

« Je me suis donné pour mission de protéger la culture musicale iranienne. Seulement, je me sens parfois étranger dans mon propre pays. »

Kourosh Yaghmaei

En 2011, sa musique reprend vie d’une façon inattendue : une compilation de ses plus grands tubes est réalisée par un label californien, Now-Again Records, qui s’attache à la redécouverte et diffusion d’artistes « oubliés » ou malmenés par la situation de leur pays d’origine. Cette compilation, nommée « Back from the brink » et sous-titrée « Pre-revolution psychedelic rock from Iran 1973-1979 », offre à Yaghmaei une reconnaissance qui s’étend bien au-delà des frontières de l’Iran, et touche en particulier les pays occidentaux. À l’occasion de cette sortie, une tournée et notamment un concert aux Transmusicales de Rennes étaient prévus, mais la menace de ne pas pouvoir retourner en Iran par la suite le contraint à annuler cette promesse d’un rare concert en dehors de son pays.


PSYCHÉDÉLISME, HYBRIDITÉ & MOUSTACHES

Perfectionniste, Kourosh Yaghmaei compose des chansons savamment imprégnées des codes musicaux de l’orient et de l’occident. Sa manière de chanter et les mélodies d’influences iraniennes sont modernisées et réadaptées à la mouvance psychédélique et funk de l’époque. Les instruments occidentaux, guitare électrique et synthétiseur notamment, jouent un grand rôle dans cette hybridité. « Je voulais ainsi créer une nouvelle musique qui respecte les deux cultures », explique Kourosh.

Tantôt ballades lyriques et mélancoliques, tantôt tourbillons mélodiques et rythmés, les chansons de Kourosh Yaghmaei sont unies par sa voix douce au timbre immédiatement reconnaissable. Il débute fréquemment ses chansons par un air lancinant, mélodie qui lui permet de déployer d’abord une voix basse et suave, qui ne manque pas de s’envoler par la suite. Kourosh écrit lui-même le plus souvent les paroles de ses chansons, ou bien s’entoure d’amis poètes, composant sur des thèmes liés à l’amour, au rêve ou à la poésie.

Enfin, au-delà de sa musique, comment omettre l’esthétique visuelle de Kourosh Yaghmaei ? Identifiables en un coup d’œil, son apparence et son style très marqués s’inscrivent entièrement dans les codes psychédéliques de l’époque, qui ont largement imprégné l’Iran des seventies. Les couleurs sont assumées et juxtaposées, tant dans les vêtements que dans ses clips, et la part belle est faite aux chemises brillantes aux cols pointus et aux pantalons serrés, sans oublier les cheveux jusqu’aux épaules et la moustache imposante, désormais emblématiques de Kourosh et de cette époque.


KOUROSH INTEMPOREL

Kourosh Yaghmaei est toujours présent dans le paysage musical actuel. Il a en effet sorti un nouvel album en 2016, Malek Jamshid, enregistré dans son appartement-studio à Téhéran et publié sur un label américain. Si cet opus prolonge l’esprit de ses succès pré-révolution, il explore cependant de nouveaux arrangements et de nouvelles influences, à l’instar des musiques latines.

La musique de Kourosh reste également vivante grâce à ses nombreuses réutilisations, au cinéma ou dans le rap en particulier. Gole Yakh, sa chanson emblématique et la plus prenante, traverse ainsi les époques et les médias : elle est employée dans les bandes originales de films (par exemple Persépolis de Marjane Satrapi, ou Tristesse Club de Vincent Mariette), mais surtout dans les samples -échantillons musicaux- des beatmakers. Parmi ces reprises, la plus connue est certainement « Adam & Eve » de Nas, produite par Kanye West en 2018, et qui reprend donc l’instrumental de Gole Yakh.

Kourosh Yaghmaei incarne ainsi la mélancolie et la force d’un artiste qui se bat pour la liberté musicale dans son pays, grâce à sa musique ingénieuse aux influences hybrides qui traverse les décennies et désormais les frontières, sans faiblir.


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