Soapkills est le groupe issu de la collaboration, à partir de 1997, de deux figures de la scène musicale libanaise : les musiciens Yasmine Hamdan et Zeid Hamdan, tous deux nés à Beyrouth, sans lien de parenté malgré leur nom commun.

Mêlant musique arabe classique et musique électronique pour un résultat unique et souvent hypnotique, Soapkills initie alors une nouvelle vague musicale dans le monde arabe, dont les échos sont encore importants aujourd’hui.

Plongée dans la scène underground libanaise de la fin des années 90…

LIBAN, ANNÉES 90 : TOUT EST A CRÉER

Yasmine Hamdan et Zeid Hamdan fondent Soapkills en 1997. Le choix du nom du groupe, en arabe الصابون يقتل, « as-saboun yaqtol » soit « le savon tue », s’inscrit dans le contexte très particulier qui suit la guerre civile du Liban, qui s’est déroulée entre 1975 et 1990.

Dans la décennie suivante, le pays, et en particulier sa capitale Beyrouth, sont marqués par des reconstructions massives, rapides et immaculées, effaçant les dégâts matériels, mais non psychologiques qui, eux, perdurent. Le groupe est ainsi marqué par cette ambiance pesante de « nettoyage au savon », qui tue la mémoire des lieux et des civils.

Le Liban meurtri de cette période est également démuni en structures musicales : Soapkills est créé alors qu’il n’existe pas encore de lieu dédié aux concerts, de festival ou de grand label. Le groupe, d’une certaine façon, bénéficie de cette situation où tout est à inventer, et désire proposer quelque chose d’alternatif, de neuf, à partir d’un mélange d’influences, d’expériences musicales et de sentiments partagés.

Zeid Hamdan et Yasmine Hamdan produisent ainsi trois albums sur des labels indépendants, et rencontrent un immense succès qui dépasse rapidement les frontières du Liban ; ils effectuent des concerts dans les capitales arabes, mais également à Paris ou à Berlin. Les deux artistes cessent pourtant leur collaboration en 2005, poursuivant chacun leur route musicale.


RÉFÉRENCES CLASSIQUES ET TRIP-HOP

D’un point de vue culturel et musical, les références de Yasmine et Zeid sont très variées, ayant chacun vécu dans plusieurs pays sur différents continents. Prônant leur ambivalence, le duo mélange ainsi les styles oriental et occidental, et conjugue plusieurs ambiances au sein de leurs morceaux.

Yasmine Hamdan, au chant, revendique ses inspirations de la musique arabe classique, notamment des figures d’Asmahane ou d’Oum Kalthoum, mais également des influences plus folks.

Cependant, l’originalité et le statut de pionniers underground de Soapkills résulte de la place accordée à la musique électronique dans les morceaux. À l’aide d’un Roland MC-303 Groovebox, appareil servant entre autres de boîte à rythme, Zeid Hamdan s’inscrit en effet dans la mouvance trip-hop de l’époque.

Le trip-hop est un genre musical qui émerge pendant les années 1990 en Angleterre, à Bristol notamment ; Massive Attack, ou encore Portishead, sont des groupes emblématiques de ce style et de cette époque.

Le style dit « trip-hop » est très important ici à Beyrouth. Après tout ce temps de guerre civile et de négativité, il est important d’avoir quelque chose sur lequel « triper »… car cela vous donne la chance d’échapper à la réalité, à la situation de tous les jours.

Zeid Hamdan

Soapkills réalise ainsi des morceaux aux rythmes hypnotiques, entêtants, au tempo généralement plutôt lent et agrémentés de bruitages, parfois enregistrés dans la rue.

À ces bases rythmiques s’additionne la voix de Yasmine Hamdan, souvent modelée par des effets, et semblant par moment lointaine ; il se dégage ainsi des morceaux une atmosphère mélancolique, propice à l’introspection. La musique est parfois langoureuse, parfois froide, mais elle prend toujours son temps et mène l’esprit dans une transe douce.


L’HÉRITAGE DE SOAPKILLS

Symbole de l’élan artistique et mélancolique de la génération d’après-guerre civile, Soapkills est ainsi l’un des premiers groupes indépendants, et de musique électronique, à émerger dans le monde arabe, ouvrant la voie à de nombreux artistes ; leur importance musicale et leur renommée n’ont fait qu’augmenter depuis leur séparation en 2005, dans le monde arabe et bien au-delà.

Yasmine Hamdan incarne désormais une référence dans la sphère musicale alternative, revendiquant sa culture composite et unique. Après un autre projet en duo du nom de Y.A.S, elle vit désormais principalement à Paris et mène une carrière solo avec succès, également en tant qu’actrice ; elle est notamment apparue en 2013 dans le film de Jim Jarmush, « Only lovers left alive ».

Zeid Hamdan réside au Liban, où il est devenu l’icône de la scène underground du pays ; il s’attache à dénicher les nouveaux talents, et encourager le développement de l’industrie musicale et la protection des artistes.

Yasmine Hamdan dans le film « Only lovers left alive » de Jim Jarmush, 2013.


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Pour aller plus loin dans le genre du trip-hop arabe :

« Habibi » (2005) du groupe Orange Blossom
Live à FIP, 2014

« Tarab Dub » (2013) de l’artiste syrien Hello Psychaleppo.
Sample : Oum Kalthoum – « Min Elli A’al »

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