• Bonjour Rym & Camille ! Vous êtes les fondatrices de la marque TASZURI, pourriez-vous vous présenter en quelques mots, ainsi que vos parcours ? 

RYM – Bonjour ! Je suis Rym, j’ai 30 ans. Je suis née et j’ai grandi à Alger, et ma famille est d’origine kabyle. Après le bac, je suis venue m’installer à Marseille pour entamer des études de physique chimie. Pour mon Master 2, je suis venue m’installer à Paris et j’ai enchaîné avec un doctorat en chimie sur la résistance des bactéries aux antibiotiques. J’observais au microscope des bactéries responsables d’infections nosocomiales graves. J‘étudiais leur comportement en présence de différents antibiotiques pour trouver des solutions aux phénomènes de résistance…

Après ma thèse, j’ai rejoint une startup de microscopie où je faisais un peu de tout, de la recherche scientifique au marketing et à la vente. Mais en parallèle de ce parcours scientifique, en 2017,  j’ai aussi créé Taszuri, marque d’accessoires déco et mode inspirée des tatouages amazighs. Au cours des années, Taszuri a grandi, et j’ai décidé de m’y consacrer à temps plein en 2020, pour lui donner toute sa chance !

CAMILLE – Bonjour ! Je m’appelle Camille, j’ai 32 ans et je suis l’associée de Rym depuis 2019. J’ai grandi en région parisienne, et comme Rym j’ai un parcours scientifique. J’ai fait une école d’ingénieur et enchaîné sur une thèse en biologie pendant laquelle j’utilisais des techniques de microscopie pour étudier la mémoire épigénétique. J’essayais d’observer, à l’échelle nanométrique, l’agencement de l’ADN et comment cette organisation est transmise au cours de la division cellulaire.

Exactement comme Rym, j’ai rejoint la même boîte de microscopie après ma thèse, et c’est là que nous nous sommes rencontrées ! On travaillait ensemble sur plein de projets, on faisait des déplacements de Glasgow à Grenade en passant par Freiburg ensemble, et surtout on s’entendait super bien. On était compatibles personnellement et professionnellement, du coup Rym m’a proposé de la rejoindre chez Taszuri pour continuer à développer la marque ensemble. Évidemment, j’ai accepté !

• Comment est né le projet TASZURI  ? Et quels sont vos rôles respectifs au sein de ce projet ? 

Tout a commencé en été 2017.
Je suis rentrée en Algérie et j’ai passé mes vacances en Kabylie avec ma famille. Dans certains villages, j’ai croisé des femmes âgées au visage tatoué. En en parlant avec mon père, j’ai appris que sa grand-mère aussi était tatouée comme beaucoup de femmes amazighes de sa génération. Intriguée, je n’ai pas pu m’empêcher d’aller creuser…

J’ai découvert une tradition vieille de l’Antiquité et transmise entre femmes : les femmes se tatouaient pour marquer une étape de leur vie, symboliser leurs valeurs, décorer leur corps, se protéger… Chaque symbole avait une signification qui se transmettait de génération en génération.

Mais j’ai aussi appris que cette tradition était en train de disparaître. Les dernières générations de femmes amazighes tatouées ont l’âge de nos grands-mères, et avec elles vont disparaître ce patrimoine culturel millénaire.

Taszuri, c’était un moyen de faire vivre les tatouages amazighs et leur signification autrement : je me suis mise à peindre de la déco en mettant en valeur ces symboles et en parlant de leur signification que j’allais chercher dans des livres. J’ai créé un compte Instagram, une boutique Etsy, puis mon propre site internet… le projet a fait son bout de chemin mais l’objectif est toujours le même : rendre hommage aux femmes amazighes et à leurs tatouages.

En termes plus pratico-pratiques : j’ai commencé au statut d’auto-entrepreneur. En 2019, Camille a rejoint le projet,  nous avons officiellement créé la société fin 2020, et nous sommes aujourd’hui toutes les deux investies à temps plein dans Taszuri. Nous brainstormons et définissons toute la stratégie à deux, puis je m’occupe plus de la partie créa, prod, marketing, et Camille fait de la prod, finance et compta. Mais on teste toujours nos idées ensemble et on est chacune assez polyvalente !

• Quel(s) lien(s) entretenez-vous avec les cultures berbères/amazighes ?

Ma famille est amazighe, celle de mon mari aussi, et même si nous vivons en France nous sommes très attachés à la culture amazighe. Taszuri, c’est aussi une entreprise familiale dans laquelle on met tout notre cœur pour valoriser notre héritage culturel.

Mais le but n’est pas seulement de faire connaître la culture… Derrière Taszuri, il y a aussi une démarche esthétique, l’envie de faire de l’artisanat moderne et dans l’air du temps. On a envie de proposer des créations qui parlent à tout le monde, d’origine amazighe ou non.

On rêve de créer une marque connue de tous, qui fait rayonner les tatouages amazighs ET qui propose des créations stylées !

 • Des exemples de ce qu’on peut trouver chez TASZURI ?

Nous proposons des accessoires mode et déco inspirés des tatouages amazighs. Tasses, céramique, jarres, sacs, bijoux, T-shirts, tatouages éphémères… plein d’objets du quotidien, chacun mettant en valeur un tatouage et sa signification. La gazelle sur une banane, l’arbre sur un bol, la femme sur un mug… on a essayé de créer un univers solaire et coloré, qui met les femmes et les tatouages au centre de la démarche esthétique. Et en automne dernier, on a sorti un livre, pour partager encore plus avec notre communauté ce qu’on sait sur les tatouages amazighs.

Toutes nos créations sont de fabrication artisanale et éthique. Nous imaginons toutes nos créations, puis, selon les produits, nous les fabriquons nous-mêmes ou nous faisons appel à des partenaires artisans de confiance. Nos céramiques et jarres sont modelées à la main par des potières partenaires dans le sud de la France, puis nous les peignons en région parisienne, nous les émaillons et nous les recuisons dans notre four à céramique. Nous imaginons et imprimons nos affiches dans notre atelier. Les sacs sont le fruit d’une collaboration avec la marque Hindbag qui les fabrique via leur ONG partenaire en Inde. Les bijoux sont faits à la main par Jen de la Jungle Bijoux, avec qui nous collaborons depuis plusieurs années. Elle est maintenant basée à Barcelone et se source localement.

 • Vous avez récemment sorti le livre “Les femmes vont, et les tatouages racontent”, avec de magnifiques illustrations à l’intérieur ! Quel est le sujet de ce livre, et comment s’est déroulé le processus de recherche et d’écriture  ?  

À force de collecter des infos sur les tatouages amazighs, on s’est rendu compte que tout ce savoir était très difficile d’accès. Notre communauté nous sollicitait beaucoup pour en savoir plus, et peu de gens arrivaient à se procurer les livres de chercheurs sur le sujet, souvent plus édités

Et puis on s’est rendu compte d’un truc évident : le but de Taszuri, c’était de faire connaître les tatouages amazighs, alors le plus simple n’était-il pas de le faire par l’écrit ? On voulait pérenniser notre savoir à travers un livre, et non pas seulement à travers des posts éphémères sur les réseaux sociaux.

Nous nous sommes donc lancées dans l’écriture de notre livre “Les femmes vont, et les tatouages racontent” pour partager ce que nous savions des femmes amazighes, de leur rôle au sein de la société et bien sûr de leurs tatouages !

Et comme tout chez Taszuri, on voulait que ce soit illustré. Donc on a dessiné des femmes tatouées dans des palettes de couleurs chaleureuses et avec des traits modernes et épurés. On est très fières de ce livre qui résume totalement l’esprit de notre marque.

On s’est inspirées des ouvrages qu’on avait déjà sur le sujet : en particulier le travail formidable de Lucienne Brousse, Camille Lacoste-Dujardin, Makilam… des femmes qui ont apporté un nouveau regard sur les tatouages des femmes amazighes et qui ont donné la parole aux principales intéressées. On a aussi fait pas mal d’aller retours à la BnF pour compléter ! Toutes nos sources sont listées dans la bibliographie à la fin du livre, et les livres principaux sur le sujet sont aussi cités dans notre article de blog “6 livres incontournables pour découvrir les tatouages et symboles berbères”. Après ce long travail bibliographique, on a tout écrit en un été, deadline de la rentrée oblige !

 • Quels sont vos projets actuels ou à venir ?

Oula ! Il y en a beaucoup et on a toujours tout fait au feeling chez Taszuri, mais d’un autre côté, depuis cette année on commence à trouver un rythme de collections un peu plus stable !

On lance deux grosses collections par an : une au printemps et une à l’automne avec à chaque fois un thème, une palette de couleurs et un ensemble de créations allant de la céramique aux sacs en collab avec la marque Hindbag, au bijoux, aux jarres…

En ce moment, la collection s’appelle ILELLI, “libre” en tamazight. On s’est inspirées de l’image d’une femme forte et assurée, qui sait ce qu’elle veut et qui n’a pas peur d’oser ! On a choisi des tons de prune, abricot, menthe, lavande, bleu klein… et pour la première fois on a sorti une série de boucles d’oreilles en argile hyper colorées.

Chaque année, on lance aussi une collection de bijoux d’inspiration amazighe en collab avec Jen de La Jungle Bijoux, une artisane géniale avec qui on adore travailler !

Et bien sûr, on a un projet de deuxième livre. On est en plein dans la phase de biblio, mais on ne vous en dit pas plus 😉

DANS L’ESPRIT DE TASZURI

Des oeuvres, des idées, des mots et des lieux qui vous inspirent

Un film ?La dernière reine” de Damien Ounouri et Adila Bendimerad
Un livre ?La vaillance des femmes“ de Camille Lacoste-Dujardin
Un.e artiste ? Maejda Benchaabane
Un instrument ? Les 4 guitares de mon mari 
Une chanson ?Jimy d hamma” de Iwal
Une citation ? “Heureux celui qui peut agir selon ses désirs” (proverbe amazigh)
Un plat ? La chakhchoukha de Biskra
Un lieu ? Ichaalalene, notre maison familiale en Kabylie

LES RECOMMANDATIONS DE TASZURI

Pour mieux découvrir la culture amazighe et berbère

Un objet emblématique de la culture amazighe ? La jarre en terre cuite
Un proverbe amazigh pour accompagner nos journées ? “Gratte-toi où tu te sens démangé”
Un symbole à se tatouer ? Le soleil, symbole de vie et de puissance
Un lieu pour apprendre la langue amazighe ? Un voyage en Kabylie
Un.e artiste amazigh ? Flèche love
Une chanson amazighe ?Ssendu” d’Idir
Un livre ?Amazigh” de Sid Ahmed Hamdad
Un restaurant berbère ? À Paris, Majouja
Des comptes à suivre pour mieux découvrir la culture amazighe ? @tamazgha.history, @berberewoman

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