En décembre 1969, le magazine de mode Vogue publie une série merveilleuse de photographies réalisées par Henry Clarke, le célèbre photographe de mode américain. Dans cette série, il photographie la mode sous le soleil de l’Iran, dans des décors majestueux et chargés d’histoire.

Les modèles et actrices Marisa Berenson, Lauren Hutton, ainsi que Cynthia Korman sont les grandes vedettes qui posent dans des anciens palais royaux, des mosquées safavides et autres trésors archéologiques choisis par le photographe.

Retour sur des clichés envoûtants, exposant une symphonie de couleurs au sein des joyaux de l’architecture perse.

HENRY CLARKE : DE LA MODE EN STUDIO AUX DESTINATIONS EXOTIQUES

Travaillant pour différentes éditions de Vogue et photographe principal du Vogue France à partir de la fin des années 50, Henry Clarke (1918-1996)  incarne un style classique, teinté d’élégance et de raffinement. C’est généralement en studio ou dans des lieux d’architectures classiques très parisiens, tels que l’Opéra Garnier ou l’hôtel Crillon, qu’il prend des photos pour de grands couturiers comme Chanel ou Dior.

À partir des années 60, il collabore plusieurs années avec l’audacieuse rédactrice en chef du Vogue américain, Diana Vreeland. Cette grande icône de la presse mode, dont le célèbre slogan reste « Étonnez-moi », commande alors à Henry Clarke des séries dans le monde entier. Ces séries sont étendues sur plus de vingt pages et imprimées en couleurs, ce qui est considéré comme un traitement de faveur pour l’époque.

Les transports aériens étant en plein développement à cette époque, le monde est donc plus facilement accessible. Henry Clarke choisit les destinations selon « ses envies, les richesses architecturales qui servent de décors, mais aussi les contraintes commerciales ». 

Le développement du tourisme et de l’aviation dans ces années-là rendait possibles ces voyages organisés avec l’aide des offices de tourisme et des hôtels locaux qui, en échange d’une mention dans le magazine, logeaient gratuitement l’équipe. Clarke partait toujours avec deux mannequins, un coiffeur et une rédactrice.

SYLVIE LECALLIER, responsable de la collection photographique du Palais Galliera à Paris, et commissaire de l’exposition « Outside Fashion ».

Afin de donner du piquant au titre et de dynamiser les ventes de Vogue, le photographe choisit d’aller en Iran en décembre 1969, destination exotique très prisée par les occidentaux avant la Révolution Islamique de 1979. À cette époque, le pays vit encore sous le règne du Shah, qui prône l’ouverture sur le monde et le modernisme.


TRAVERSÉE POÉTIQUE & HISTORIQUE AU CŒUR D’UN IRAN HAUT EN COULEURS

L’ambiance solaire, le désert, les dômes colorés des mosquées et les palais flamboyants dans lesquels posent les mannequins de la série de photographies “Persian Blue Gardens of the Sun” font véritablement penser aux Milles et Une Nuits, le célèbre conte populaire arabo-persan, publié au IXe siècle.

Pourtant, ces clichés qui semblent déconnectés de la réalité, emprunts de poésie mais aussi de fantaisies, affichent des modèles ravies de bousculer l’histoire des monuments, au moyen de tenues et de poses insolites.

On cherchait sans cesse à repousser les limites, c’était une période d’une telle inventivité… 

DIANA VREELAND, rédactrice en chef de Vogue Américain dans les années 60 et ancienne directrice du Harper’s Bazaar

● TÉHÉRAN & PALAIS DU GOLESTAN ●

C’est d’abord à Téhéran, au Palais du Golestan, que le photographe immortalise ses premiers clichés. Ce « Palais du Jardin des fleurs », ancien palais royal de la dynastie Qadjar (1786-1925), abrite la salle du trône de marbre, dans laquelle le premier souverain Pahlavi se fait ensuite couronner en 1925.

C’est dans cette salle que l’on découvre Lauren Hutton adossée à l’un des murs en marbre, ou encore Cynthia Korman debout, dans une salle tapissée de miroirs. Les plumes soyeuses de l’une et la robe brillante couleur émeraude transparente de l’autre se fondent parfaitement dans ce décor scintillant et fastueux.

● LE BLEU D’ISPAHAN ●

Les clichés suivants nous conduisent à Ispahan, ancienne capitale de l’empire perse sous la dynastie des Safavides (XVIe – XVIIIe siècles). Véritable vitrine de l’architecture et de l’art islamique, Ispahan est considérée encore aujourd’hui comme l’un des joyaux du Moyen-Orient.

Surnommée également la perle bleue, car c’est la couleur qui prédomine la ville, les clichés présentent les mannequins debout ou allongées posant près du dôme azur de la mosquée Lotfollah. Les deux modèles sont vêtues de robes et de tuniques bleues qui se confondent avec la couleur du ciel, et leurs regards lointains symbolisent l’évasion.

● LES ROSES DE SHIRAZ ●

Maison historique Qavam, Shiraz,1969

C’est à Shiraz que l’on découvre ensuite les mannequins, sourires aux lèvres devant la célèbre peinture murale fleurie et colorée de la Maison Qavam (1879-1886).

La poésie est l’un de piliers de la culture persane, et Shiraz a joué un rôle majeur sur ce plan. Ville des grands poètes Saadi (XIIIe siècle) et Hafez (XIVe siècle), mais aussi du vin – la ville revendique son invention il y a 7000 ans -, Shiraz jouit d’un statut culturel et artistique prépondérant. Ses nombreux jardins fleuris, palmiers et bassins font d’elle un haut lieu de raffinement et de joie de vivre, comme en témoignent les clichés de Henry Clarke ; la présence de roses et de fruits traduisent le goût de la vie qui émane de la ville.

● LES PIERRES DE PERSEPOLIS ●

La traversée photographique se termine au pied de l’ancienne capitale de l’empire perse achéménide (550-330 av. J.-C.), Persépolis.

Telles des aventurières, les modèles posent de manières triomphales, debout et fières, devant l’escalier monumental de l’Apadana, l’ancien palais des Cent colonnes, ou encore sur ce qui reste de l’un des deux taureaux colossaux de la Porte des nations, qui font la gloire et la renommée de ce site inscrit au patrimoine de l’UNESCO. La fraîcheur et le dynamisme des modèles qui posent de manière étonnante donnent un second souffle à ces immenses pierres immortelles.


UN ORIENT RÊVÉ…

Ainsi s’achève cette évasion photographique sous l’angle de la mode à travers l’Iran. Cette série à la fois hypnotique et irréelle, qui insuffle une vision unique de contrées lointaines, nous fait voyager à la découverte de nombreux joyaux de l’architecture perse.

Mais à travers ces mises en scènes ensoleillées et fantaisistes, qui doivent avant tout faire rêver les lectrices, le photographe contribue également à créer, ou du moins faire perdurer, l’image de l’Orient dans l’imaginaire collectif des occidentaux, à mi-chemin entre rêve et réalité.

Pour aller plus loin

Aperçu de la Jordanie, de la Turquie et de la Syrie dans l’œil du photographe Henry Clarke

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