Synopsis de la série Arte HAPPINESS

Shadi شادی , qui signifie « joie » en persan, est une jeune iranienne de 17 ans qui vit seule à Téhéran avec sa mère. Alors que cette dernière prépare leur départ migratoire pour la France, Shadi ne rêve que d’une chose : partir coûte que coûte à la rencontre de son père, dont elle sait seulement qu’il réside sur l’île de Kish dans le sud de l’Iran. Sans tarder, elle improvise un road trip à travers le  pays avec trois amis : le mystérieux et attirant Sina, sa meilleure amie Ferial, et Parsa le cousin de celle-ci. Au cours de cette échappée aussi bien chaotique qu’initiatique, la quête personnelle de Shadi est en réalité universelle : la recherche du bonheur !

La série est visible sur Arte TV et sur le compte Instagram Arte à suivre.

Une traversée au cœur de la jeunesse iranienne

Qui de mieux qu’un jeune cinéaste pour dévoiler avec autant de justesse le portrait intime de la jeunesse iranienne ? La série Happiness a été conçue par l’iranien Pouria Takavar, cinéaste passionné âgé seulement de 26 ans, qui a réalisé son premier film à l’âge de six ans, et qui s’est fait connaître auprès des jeunes en 2017 avec sa série TehRunn. La jeunesse est au cœur même de sa création, c’est à travers elle qu’il puise son inspiration et à qui il s’adresse.

Les réseaux sociaux sont le meilleur moyen de captiver l’attention du jeune public, c’est pourquoi, tout comme avec TehRunn, sa nouvelle websérie Happiness coproduite par la chaîne Arte s’appuie à nouveau sur une structure efficace qui s’adresse directement aux jeunes :  un format court – 15 épisodes de 5 min – diffusé sur le compte Instagram de la chaîne Arte et en ligne depuis septembre 2021.

Happiness aide surtout à déconstruire certaines idées reçues sur l’Iran et ses adolescents, dont finalement on sait peu de choses tant le nombre de films leur étant dédiés est réduit. À l’écran, Shadi et ses amis récitent par cœur des refrains du célèbre groupe de rap iranien Zedbazi,  ils ont un sens aigu de la mode, fument et boivent en cachette, tout en étant ultra-connectés. Happiness esquisse le portrait juste, amusant et touchant d’une jeunesse ayant soif de liberté et d’expériences, dans sa poursuite du bonheur à travers un road trip depuis la capitale téhéranaise, en passant par la religieuse Qom, la poétique Shiraz et enfin la paradisiaque île de Kish dans le golf Persique.


INTERVIEW AVEC POURIA TAKAVAR
RÉALISATEUR DE HAPPINESS

Salâm Pouria ! Tu es un jeune cinéaste iranien de 26 ans et tu as réalisé la série Happiness – شادی, qui est actuellement diffusée sur la chaîne ARTE depuis septembre 2021. Pourrais-tu d’abord nous parler de ton parcours et de la façon dont le cinéma est entré dans ta vie ?

Je viens d’une famille de cinéastes : mon père est cinéaste et j’ai réalisé mon premier court-métrage à l’âge de 6 ans. Cependant, je ne pensais pas devenir cinéaste au départ. Je voulais être footballeur, mais je me suis blessé. Comme mon père réalisait un documentaire, j’ai commencé à l’aider au montage.

Petit à petit, j’ai senti que j’étais vraiment amoureux de ce monde. J’ai donc commencé à travailler professionnellement dans le cinéma en tant que monteur, et je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai pu faire des émissions avec des formats très courts : le montage aide beaucoup à apprivoiser le timing.

J’ai commencé à étudier la réalisation de films dans une université privée en Iran. Au cours de la première année de mes études, j’ai réalisé huit courts métrages et documentaires, qui ont tous été salués dans différents festivals en Iran, et l’un de mes documentaires, intitulé Zeitoon (« olives« ) et consacré à la jeunesse iranienne, a également été diffusé à l’étranger. Pour celui-ci, je me suis simplement rendu dans un parc appelé « zeitoon« , et j’ai suivi des adolescents et leurs activités quotidiennes.

En faisant ce documentaire, j’ai compris que sept choses sont très importantes pour ces jeunes de nos jours : Instagram, la drogue, le tatouage, l’alcool, le sexe et récemment les animaux domestiques et aussi le rap. Et j’ai remarqué qu’ils font toutes ces choses à la recherche de trois choses : la liberté, la confiance en soi et le bonheur.

Tu t’es fait connaître en 2017 auprès du jeune public iranien grâce à ta série Instagram @teh_runn. Pourrais-tu nous en dire plus sur ce projet, et nous expliquer pourquoi tu as utilisé Instagram comme support ?

Après Zeitoon, j’ai en effet réalisé une série appelée TehRunn, et parce que j’ai compris qu’Instagram était très important pour les jeunes, je voulais simplement être connecté à eux. J’ai donc fait cette série sur Instagram, et elle ne durait qu’une minute par épisode. Elle est devenu assez célèbre parmi ces adolescents. Le sujet était la recherche de la liberté, et le personnage principal était une fille nommée Raha, ce qui signifie libre en persan.

C’est une chose que j’aime faire en effet : donner au personnage principal un nom en rapport avec ce qu’il recherche (comme dans Happiness avec le personnage principal nommé Shadi). L’idée de TehRunn portait sur des jeunes qui essayaient de fuir ce qu’ils étaient vraiment.

Happiness a été coproduite par Arte France et la société de production de films française La Onda Productions. Comment as-tu rencontré Arte et cette société de production de films ?

L’un des luxes que l’on peut avoir quand on fait une série sur les réseaux sociaux, c’est qu’il n’y a ni frontières ni limites, elle peut toucher de nombreux publics à l’étranger. Quand j’ai réalisé TehRunn, il y avait des Iraniens qui travaillaient chez Arte et qui ont vraiment aimé la série. Nous avons alors réalisé une interview ensemble, qu’ils ont ensuite posté sur Arte TV.

La commissaire du département web d’Arte, Marion, a vu mon interview et a vraiment aimé le projet. Comme son mari étudiait le persan, il y avait un intérêt commun. Il est venu en Iran et a traduit certains épisodes pour Marion.

Elle a d’abord voulu acheter les droits de TehRunn, mais ceux-ci avaient déjà été achetés par l’une des plateformes VOD d’Iran [Namava, le Netflix iranien]. Je lui ai dit que j’avais une autre idée, et ils m’ont invité à Strasbourg. J’ai présenté l’idée, et bien qu’elle n’était pas tout à fait au point, elle l’a vraiment aimée. Elle m’a présenté à deux producteurs, dont l’un travaillait chez la Onda Production.

J’étais très impatient de travailler avec eux, car comme ils étaient aussi jeunes, nous avions en commun le temps, l’énergie et la passion. La première impression a donc été très bonne, et nous avons commencé à développer le projet ensemble.

Le format de la série, 15 épisodes de 6 minutes, est assez unique et inhabituel. A-t-elle été conçue comme cela à l’origine ?

Oui, l’histoire de Shadi a été conçue comme cela à l’origine. L’une des raisons pour lesquelles Arte s’est intéressé à moi était l’expérience du format court que j’avais acquise avec TehRunn. Lorsque nous développions Happiness, nous pensions même à des épisodes encore plus courts, d’environ 1 minute chacun.

Mais ensuite, les IGTV sur Instagram sont devenus très utilisées, donc nous avons progressivement adapté la forme. Cependant, il y a une chance que nous réalisions une deuxième saison avec des épisodes plus longs… Restez connectés !

La jeunesse iranienne semble être au cœur de ton travail, et ta série va à l’encontre de la plupart des productions iraniennes, qui sont souvent des séries dramatiques ou historico-politiques, à l’image de la série à succès Shahrzad de Hassan Fathi. Dans le monde occidental, le cinéma iranien est largement reconnu, mais surtout à travers ces drames socio-politiques. Penses-tu que la jeunesse iranienne n’est pas assez représentée à l’écran, tant en Iran qu’en Occident ? Et comment décrirais-tu cette jeunesse en quelques mots ?

Malheureusement, en Iran, nous n’avons pas l’habitude de faire des films sur le passage à l’âge adulte. Pourtant, selon moi, si l’on veut avoir un impact culturel sur un pays ou une génération, il vaut mieux cibler un public jeune. De plus, il est difficile de faire des films sur le passage à l’âge adulte en Iran car certaines des activités impliquées franchissent justement les limites de la censure.

De plus, nos réalisateurs n’ont pas beaucoup d’expérience pour montrer ces choses d’une manière qui soit réaliste. Les films n’ont donc pas beaucoup de succès, car les jeunes ne peuvent pas s’y identifier. Les producteurs et les investisseurs du cinéma iranien n’investissent pas non plus d’argent dans ces projets, car ils savent qu’ils ne seront pas réalistes, que les gens n’achèteront pas de billets et qu’ils n’auront pas de succès au box-office.

J’aime travailler sur la jeune génération en Iran, car cela peut avoir un impact sur eux, sur leur avenir et sur l’avenir du pays. La deuxième raison pour laquelle j’aime faire des films sur cette génération, c’est qu’elle est très cinématographique pour moi. Les jeunes sont très intéressants et irrationnels. De plus, n’étant pas non plus âgé, je me sens proche d’eux, je comprends leur monde et je peux facilement me connecter à eux.

À mon avis, la jeunesse iranienne n’est pas très différente de celles dans le monde entier, car elles recherchent toutes les mêmes choses. L’une des raisons pour lesquelles Happiness a pu toucher et intéresser Arte était précisément cette quête universelle, à laquelle tout le monde peut s’identifier.

Comme partout ailleurs, la jeunesse iranienne essaie de trouver des moyens d’être heureuse, confiante et libre, mais à sa manière. L’objectif est partout le même, mais comme l’Iran est un pays étrange, il existe des différences en termes de liberté. D’une certaine manière, nous profitons de certaines de nos limites : parfois, être trop libre peut même être dangereux.

Par exemple, lorsque j’étais à Paris j’ai eu le sentiment que parce que les gens sont parfois très libres, ils manquent de motivation ou d’ambitions. Mais en Iran, ce sentiment est rare, car ce manque de liberté motive leur envie de trouver des moyens d’être reconnus et libres. Dans un sens, plus il y a de censure, plus on se doit d’être créatif – et donc d’une certaine manière, on peut profiter de cette situation.

Ta série propose un voyage à travers l’Iran, de Téhéran à Qom en passant par Shiraz, jusqu’à l’île de Kish, dans le Golfe Persique. Pourtant, on ne peut guère identifier ces villes à l’écran, à l’exception de Kish. Pourquoi ? Est-ce par choix ou par contrainte ?

Happiness n’est pas fait pour être une série touristique. Elle se fonde sur ses personnages. L’importance n’est pas dans les villes, c’est pourquoi vous ne pouvez pas vraiment vous plonger dans la culture de chacune d’entre elles.

Par exemple, Shiraz est une ville célèbre et historique d’Iran, très riche en termes de culture et de poésie, mais j’ai placé mes personnages dans un endroit très chaotique de Shiraz, à savoir le bazaar. Nous avons utilisé le chaos du bazaar pour le bien des personnages, et non pour montrer le bazaar de Shiraz ou pour définir ce qu’est Shiraz.

Comment as-tu réussi à tourner les scènes d’alcool et de drogue, qui sont présentes dans certains épisodes ?

Pour pouvoir tourner en Iran, il faut un permis – et nous l’avons obtenu. Il faut savoir que le gouvernement est aujourd’hui plus ouvert à ce sujet, il n’est pas aussi strict qu’avant, surtout pour un projet international.

Des films sur la drogue et l’alcool ont déjà été réalisés – comme récemment dans le film La loi de Téhéran, qui traite du trafic de cocaïne et qui est sorti dans le monde entier -, et aucun problème n’a été rencontré pour obtenir les autorisations. Le principal producteur de Happiness était français. Le film a été seulement tourné en Iran, il ne s’agissait pas d’une production iranienne directement impliquée.

Comment as-tu choisi les acteurs qui interprètent les personnages principaux de la série ?

Nous avons fait un casting pendant la phase de développement, mais petit à petit, j’ai commencé à choisir Soheil Bavi (Sina) et Ghazal Shojaie (Shadi), avec lesquels j’avais déjà travaillé dans TehRunn, donc je les connaissais. J’ai pensé à Soheil dès le début, car il avait le charme que je recherchais, et j’ai également travaillé avec Ghazal dans TehRunn. Je savais qu’elle pouvait apporter beaucoup de choses, car elle connaît bien ce monde. En termes de jeu, elle est vraiment réaliste et spontanée.

En Iran, je réalise aussi des teasers pour des cinémas. J’ai ainsi rencontré Aria Gazor (Parsa) dans l’un des cinémas pour lesquels je travaillais, et Setareh Maleki (Ferial) était la meilleur ami de Ghazal dans la vie réelle.

L’actrice qui joue la mère de Shadi, Solmaz Ghani, est très célèbre en Iran. D’habitude, je ne suis pas très doué pour travailler avec des stars, mais j’ai vraiment aimé travailler avec elle. Elle est très humble et dévouée au projet. De plus, en termes d’apparence, elle ressemble vraiment à Shadi.

Sous ses apparences « feel good« , la série parle aussi d’émigration et sous-entend la crise économique dans laquelle est plongé l’Iran. Cette situation oblige de nombreuses familles – pour celles qui ont les moyens financiers – à quitter le pays. Que penses-tu de la situation actuelle en Iran ? Envisages-tu de quitter le pays ou, comme Shadi, choisis-tu de rester ?

L’une des façons dont les Iraniens pensent pouvoir être heureux et vivre une bonne vie est d’émigrer, mais l’immigration n’est pas si facile. J’ai moi-même émigré, et ce n’est pas facile. Malheureusement, à travers les informations et les médias sociaux, les Iraniens ont des fantasmes sur la vie à l’étranger. Et la plupart d’entre eux, lorsqu’ils arrivent en Europe, sont déçus car c’est beaucoup plus difficile que ce à quoi ils s’attendaient.

La situation actuelle en Iran n’est pas très bonne et, malheureusement, beaucoup d’Iraniens envisagent de quitter le pays. Pour ma part, je ne suis pas le genre de personne qui aime rester dans un pays pendant très longtemps. Je veux expérimenter la vie, voyager. Je veux quitter l’Iran, mais pas avec l’idée que l’Iran est un mauvais pays, avec une mauvaise situation. Je veux voyager dans le but d’acquérir plus d’expériences et d’opportunités.

Quels réalisateurs iraniens et/ou internationaux t’inspirent le plus ?

Tout d’abord, sur le plan international, je suis très inspiré par le travail d’Andrea Arnold et son film American Honey (Prix du Jury 2016 au Festival de Cannes). C’est un très bon film que je recommande vivement. J’aime toutes ses œuvres car elle ne limite pas sa façon de travailler, elle est très libre.

Pour ce qui est de l’Iran, j’aime beaucoup les œuvres d’Asghar Farhadi. Mon film préféré est Une séparation. Ses films sont parfois un peu trop déprimants et sombres pour moi, mais il est certainement une source d’inspiration. En termes d’écriture, il est très bon.

Parle-nous d’un film que tu aimes profondément !

J’aime tellement de films, mais en ce moment, j’apprécie particulièrement ceux de Woody Allen. J’aime tellement Zelig (1983), c’est un film fou. C’est un vrai génie. L’histoire est celle d’une personne qui veut être aimée – mais je ne vais pas vous en dire plus. Vous devez le regarder !

Enfin… quels sont tes projets à venir ?

Je dois écrire la saison 2 de Happiness, et je travaille également sur un autre projet, mais je ne peux encore rien promettre. C’est une série, et le futur nous en dira plus !

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DANS L’ESPRIT DE POURIA TAKAVAR

Des œuvres, des idées et des mots qui inspirent

Un film ? Woody Allen, Zelig

Un livre ? Franz Kafka, La Métamorphose

Un tableau – un.e artiste ? Les peintures de Sohrab Sepehri, et l’artiste Forough Farrokhzad

Une chanson ? Siavash Ghomeyshi, Ye Parandeye Mohajer

Une photo ? La Terre

Un plat ? Le Chenje noon khorfeh du nord de l’Iran

Un mot ? Sepaas سپاس (merci

Un lieu ? L’esprit

Un instrument ? La guitare

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